Le 21 septembre, c’est la Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer. L’occasion de faire le point sur cette maladie neurodégénérative pour laquelle il n’existe toujours pas de traitement mais qui est de mieux en mieux prise en charge.
La maladie d’Alzheimer touche 1 personne sur 20 à partir de 65 ans et 1 personne sur 4 après 85 ans. C’est la maladie neurodégénérative la plus fréquente chez les personnes âgées. Et parce que la durée de vie moyenne ne cesse d’augmenter, les personnes affectées sont de plus en plus nombreuses. Elle se caractérise par des pertes de mémoire, des troubles des fonctions exécutives, du langage, de l’écriture, du comportement… En cause : l’accumulation anormale de protéines TAU et de protéines bêta-amyloïdes dans le cerveau conduisant à la mort des neurones. « On commence à comprendre pourquoi certaines personnes souffrent de cette accumulation de protéines toxiques dans le cerveau, explique le Dr Pierre Hanotier, chef du service de gériatrie à l’hôpital de Jolimont et de Lobbes. La génétique aurait ainsi un rôle important. Il y aurait une certaine hérédité dans cette maladie. Un parent qui a eu Alzheimer augmente sensiblement le risque de développer soi-même la maladie. On commence aussi à mieux identifier certains facteurs de risque modifiables. De nombreuses études récentes ont par exemple montré que le fait d’avoir de l’hypertension artérielle mal soignée augmentait le risque de développer une maladie d’Alzheimer et le fait de la contrôler le diminuait. C’est une notion extrêmement positive : en traitant correctement quelque chose d’assez connu, on peut diminuer son risque d’Alzheimer. On sait aussi que cette maladie est multifactorielle et que l’hygiène de vie en général permet de mieux contrôler le risque de développer une maladie de type Alzheimer. »
Une maladie évolutive précoce
La maladie d’Alzheimer commence par l’accumulation des protéines TAU et bêta-amyloïdes dans l’hippocampe, la partie du cerveau qui gère la mémoire à court terme, provoquant de petits oublis. Peu à peu, le processus d’accumulation de ces « protéines toxiques » va toucher d’autres régions cérébrales, en dehors de l’hippocampe, entraînant l’apparition de nouveaux symptômes comme des troubles du comportement ou le fait de ne plus reconnaître les visages des proches. « C’est souvent à ce moment que les gens consultent et que la maladie est diagnostiquée, déplore le Dr Jose Antonio Elosegi, chef du service de neurologie au CHU Amboise Paré, mais c’est alors trop tard. La dégénérescence cérébrale est déjà marquée et impacte fortement la qualité de vie des patients et des proches. »
Une prise en charge globale
Si la maladie d’Alzheimer ne se guérit toujours pas, il existe des traitements médicamenteux qui permettent de la ralentir quelque peu, à condition qu’elle ait été diagnostiquée de façon précoce. Les chercheurs ont également constaté que la maladie évoluait moins vite chez les patients qui restaient actifs au quotidien. C’est dans ce sens que plusieurs centres proposent aujourd’hui des prises en charge non pharmacologiques avec stimulation cognitive. Au CHU Ambroise Paré, les patients Alzheimer sont pris en charge au centre Ravel jusqu’à 5 fois par semaine. L’hôpital de Jolimont a quant à lui mis en place un programme innovant et ambitieux. Des séances conseils avec un neuropsychologue sont proposées aux aidants proches pour leur donner les outils leur permettant de vivre du mieux possible la maladie de leur proche. L’hôpital leur propose aussi un module de psychoéducation : 7 séances en groupe pour mieux comprendre la maladie et ainsi mieux gérer l’anxiété qui lui est associée. En plus des séances conseils, le patient bénéficie quant à lui d’un module de prise en charge multidisciplinaire novateur. « Cela s’adresse aux personnes souffrant de la maladie de manière relativement modérée, précise le Dr Pierre Hanotier. Ce programme multimodal est assez précurseur. Il aborde le patient sous tous ses angles. Pendant 3 mois, à raison de 2 jours/semaine, il bénéficie, en petit groupe, d’un entraînement cognitif, d’un entraînement physique, d’une rééducation alimentaire et médicamenteuse et d’une prise en charge psychologique. Ce programme est encore dans sa phase de rodage mais nous avons des retours positifs des aidants proches qui trouvent que les malades sont plus actifs et dorment mieux. »
L’anticipation : la solution du futur ?
Pour mieux prendre en charge la maladie, la ralentir et permettre à tout le monde d’anticiper, le diagnostic précoce est essentiel. « Ce qui doit attirer l’attention, c’est lorsqu’une personne a des difficultés à enregistrer une nouvelle information, explique le Dr Elosegi. Si elle est incapable de vous donner le jour, le mois ou l’année actuelle, même si vous lui avez répété plusieurs fois, c’est qu’elle présente très probablement un problème d’encodage de l’information, signe précurseur de la maladie. Il ne faut alors pas hésiter à consulter. » Car trop souvent encore, les pertes de mémoire et en général les troubles cognitifs chez les personnes âgées sont banalisés. « Or, si vous avez des problèmes de mémoire à 90 ans, c’est que vous souffrez d’une maladie de la mémoire, précise le Dr Hanotier. Et cette maladie doit être prise en charge car elle va impacter la qualité de vie du patient et de tout son entourage. » Le futur, c’est aussi peut-être la prévision. « Il faudrait pouvoir identifier les patients en phase préclinique de la maladie, explique le Dr Jose Antonio Elosegi. Ceux qui ont un début d’accumulation de protéines toxiques dans le cerveau mais qui n’ont pas encore de troubles de la mémoire. Car, si un jour nous avons un traitement, c’est chez ces patients qu’il fonctionnera. On ne perd pas espoir que les recherches puissent bientôt nous permettre de le faire. »
Stimuler son cerveau tous les jours permet de créer une réserve cognitive tout au long de sa vie qui peut ralentir l’évolution clinique de la maladie d’Alzheimer. Lisez, buvez modérément, faites du sport et soyez heureux, votre cerveau vous remerciera. Dr JOSÉ-ANTONIO ELOSEGI chef de service de neurologie du CHU Ambroise Paré
Témoignage | Maddy a accompagné sa maman durant 10 ans
2001 : Maddy apprend que sa maman souffre de la maladie d’Alzheimer. « Au départ, mon frère et moi nous n’avions pas identifié le problème. Maman était parfois répétitive, elle vérifiait plusieurs fois les choses, mais on ne s’en formalisait pas. C’est un cousin dont la maman était atteinte d’Alzheimer qui a attiré notre attention. Les comportements de notre maman lui rappelaient ceux de sa propre mère. Mon frère et moi étions dans le déni. Mon père, lui, avait compris. C’est d’ailleurs lui qui est allé chez le neurologue avec maman. Je suis de nature plutôt positive. Alors, lorsque le diagnostic a été posé, je me suis dit que nous allions faire en sorte de vivre cela tous ensemble du mieux possible. On a mis en place un accompagnement spécifique et elle a reçu un traitement médicamenteux. Pendant quelques années, maman est restée à la maison. Mais papa était épuisé. Ce qui a entraîné une chute qui l’a rendu paraplégique. Il ne pouvait plus rentrer à la maison. Le temps que nous leur trouvions à tous les deux une maison de repos (et cela n’a pas été facile), maman est venue habiter chez moi. Durant 5 semaines, notre cohabitation s’est très bien passée. Contrairement à certains patients, maman était très douce, très affective. Nous avons vécu de très beaux moments. Nous avons finalement trouvé une maison de repos à Mariemont. Au départ, ils étaient ensemble mais nous avons dû les séparer. Maman est allée dans le Cantou de l’autonomie, à Mariemont village. Pendant des années, elle est restée très autonome. Quatre fois par semaine, elle pouvait sortir. Elle venait alors manger chez moi ou chez mon frère. Après une chute, son état s’est malheureusement rapidement dégradé. Les derniers mois avant son décès en 2012 ont été très difficiles mais je retiens de tout cela qu’une prise en charge pleine d’attention, de bienveillance et d’humanité est extrêmement importante, tant pour le malade que les proches. »
Placer un proche qui souffre de la maladie d’Alzheimer n’est pas un abandon, c’est une manière de mieux profiter des bons moments avec lui en confiant des tâches plus lourdes (nursing et autres) à des professionnels. Dr PIERRE HANOTIER chef du service de gériatrie à l’hôpital de Jolimont et de Lobbes